
Dans le cadre de notre Grand Concert des 5 & 6 mars 2025 dirigé par Barbara Hannigan, la compositrice iranienne Golfam Khayam nous dit quelques mots de la genèse de sa pièce “I am not a tale to be told”, qui ouvrira le concert en création suisse.
«I am not a tale to be told» est une lamentation des âmes perdues inspirée d’un poème publié en 1955 par Ahmad Shamlou, un poète iranien contemporain et l’une des figures culturelles les plus emblématiques d’Iran. Ses poèmes vont au-delà du temps et de l’espace, comme s’ils s’adressaient à toi, à moi et à nous, depuis un pays imaginaire.
J’ai eu l’honneur de recevoir une commande de Barbara Hannigan pour écrire une oeuvre pour elle, dans laquelle elle chante et dirige l’orchestre. Nous nous sommes rencontrées pour la première fois car Barbara avait participé à un
événement de soutien à la culture persane, et en conséquence, je l’ai contactée pour la remercier, et elle a rapidement trouvé un moyen pour nous de faire de la musique ensemble. Elle m’a demandé d’écrire une oeuvre pour elle en utilisant un texte persan, et après avoir exploré diverses possibilités, nous nous sommes mises d’accord de tout coeur sur les mots puissants de Shamlou. Ce poème particulier a aussi été le narrateur de tant de voix silencieuses cherchant la lumière à travers les temps sombres.
Cette oeuvre a été créée en première mondiale avec l’Orchestre symphonique d’Islande en 2023, et a été reprise par l’Orchestre Philharmonique de Radio France et l’Orchestre symphonique de Gothenburg.
«I am not a tale to be told» comporte des cellules musicales et des phrases dans une improvisation contrôlée qui donne de la liberté aux instrumentistes et à la soliste. Elle crée une sorte de rumeur constante avec des ornements et des contours mouvants, comme un tapis persan sur lequel la soliste peut se produire librement. Les gestes vocaux et instrumentaux de la musique persane sont intégrés dans l’oeuvre, enracinés dans cette tradition. Cela inclut également le Maqam (contours modaux) de la musique régionale des provinces, en tant que gestes de deuil, et des phrases modales typiques issues de la pratique vocale, toutes réinterprétées dans un orchestre. Le texte a été traduit en français et certaines phrases sont chantées en farsi. La section finale est une marche progressive vers la lumière, où la soprano chante enfin «Man dardé moshtarekam, Maraa faryaad kon». Cela se traduit par : «Je suis ta douleur ordinaire, hurle-moi !».